Un enfant gâté à Kansas City
Charlie
Alain Gerber
Fayard, 2005
(par Jean-Pierre Longre)
Il y a eu Louie (Armstrong), il y a eu Chet (Baker), il y a maintenant Charlie (Parker, dit aussi Bird). Le feuilleton jazzy se poursuit, roman sonore et continu, illustration ô combien littéraire des émissions que l’auteur a assurées pour France-Musiques, témoignage (s’il en fallait) d’une écriture polyphonique, dont la musique n’est pas seulement le thème central, mais aussi la grille formelle, le principe même d’élaboration.
Paradoxalement, et à la différence de ce qui se passe dans les deux romans précédents, Charlie Parker (1920-1955), le saxophoniste de génie, n’est pas la seule figure importante du livre ; et d’ailleurs son génie n’y figure pas du tout. Certes, Alain Gerber le montre, enfant adulé par sa mère, capricieux et tyrannique, brutal et exigeant, débutant laborieux et plein d’illusions, en quête de modèles et d’idoles, comptant sur une reconnaissance trop immédiate et une gloire trop facile. Disons qu’il le montre en pointillés, et en abrégé, puisqu’il l’abandonne à sa destinée notoire à l’âge de 18 ans, s’éloignant de Kansas City après avoir acquis la maîtrise de son instrument sous la férule de grands maîtres (dont Lester Young), après avoir « assimilé toutes les connaissances » et jeté sa gourme.